Le droit d'auteur dans un contexte international
1. LA CONVENTION DE BERNE
Le principe du droit d’auteur est national. Mais la Convention de Berne pour la protection des œuvres littéraires et artistiques (traité administré par l’Organisation Mondiale de la Protection Intellectuelle) signée le 9 septembre 1886 permet d’appliquer une protection minimale à l’ensemble des pays signataires (181 à ce jour). Sa dernière modification date de 1979.
Elle repose sur trois principes fondamentaux.
- Le « traitement national » : les états signataires appliquent la même protection aux œuvres étrangères que les œuvres originaires de leur propre pays.
Par ex. : une œuvre créée au Canada par un ressortissant français doit bénéficier de la même protection au Canada que les œuvres canadiennes. - La « protection automatique » : la protection commence dès la formalisation de l’œuvre, sans démarche préalable.
- L’« indépendance » de protection : les auteurs bénéficient de la protection définie par le pays d’usage de l’œuvre, pas par le pays d’origine.
Ex. : vous êtes souhaitez réutiliser en France l’œuvre d’un auteur allemand. C’est la législation française qui s’applique, et non la législation allemande.
La convention précise un niveau minimum de protection :
- Droits moraux : droit de revendiquer la paternité de l’œuvre, droit de s’opposer à certaines modifications de l’œuvre et à d’autres atteintes à celle-ci
- La durée de protection ne peut être inférieure à 50 ans (25 ans pour les arts appliqués et photos), à partir du décès de l’auteur ou de la divulgation de l’œuvre
- Droits patrimoniaux : droits exclusifs d’autoriser la traduction, reproduction, adaptation, représentation, diffusion ; sauf exceptions.
L’Accord sur les aspects des droits de propriété intellectuelle qui touchent au commerce (Accord sur les ADPIC) adopté le 15 avril 1994 impose les principes du traitement national, de la protection automatique et de l'indépendance de la protection aux membres de l'Organisation mondiale du commerce (OMC) qui ne sont pas parties à la Convention de Berne.
2. LE COPYRIGHT
Le copyright définit les règles de protection des œuvres intellectuelles appliquées dans les pays du Commonwealth et aux Etats-Unis.
Dans le système de copyright, c’est l’œuvre et son exploitation qui est protégée (aspect économique), pas l’auteur et sa démarche de création (aspect intellectuel).
Pour être protégée, l’œuvre doit avoir été fixée sur un support et avoir fait l’objet d’une démarche de dépôt.
Le copyright ne reconnaît pas de droit moral. Il définit des droits patrimoniaux limités à :
- la reproduction de l'œuvre,
- la création d’œuvres dérivées de l'œuvre originale,
- la distribution de copies de l'œuvre au public (vente, location, prêt, cession), sous quelque forme que ce soit,
- la représentation publique de l'œuvre, avec quelque procédé que ce soit.
Le concept de fair use (usage équitable) permet aux tribunaux de juger au cas par cas de l’autorisation d’utiliser une œuvre selon des critères liées à son exploitation commerciale.
© La mention de copyright n’a aucune valeur juridique en France même si elle est couramment utilisée pour indiquer l’existence de droits d’auteur.
Depuis l’adoption de la Convention de Berne par la plupart des pays, le copyright et le droit d’auteur sont en partie harmonisés.
La démarche de dépôt n’est plus obligatoire et des droits moraux peuvent être reconnus (mais plus restreints que dans le système de droit d’auteur).
3. UN CAS CONCRET DE CONFLIT
Jean-Marie Tremblay, professeur retraité de sociologie au Canada, a fondé la bibliothèque numérique les Classiques des sciences sociales en 2000 avec l’objectif de mettre gratuitement à disposition des chercheurs québécois des textes fondamentaux des sciences sociales.
En 2010, la bibliothèque virtuelle met en ligne 24 œuvres d’Albert Camus (décédé en 1960). Au Canada, les œuvres tombent dans le domaine public 50 ans après la mort de l’auteur. Or, en France, les droits patrimoniaux perdurent jusqu’à 70 après le décès de l’auteur. Les droits d’exploitation de l’œuvre de Camus appartenant à l’éditeur français Gallimard, celui-ci a fait valoir son préjudice subi. Depuis le 31 janvier 2011, la bibliothèque numérique s’est mise en conformité avec le droit français et a interdit l’accès aux versions numériques des œuvres de Camus encore protégées par le droit d’auteur français depuis la France. Cependant le site continue de diffuser d’autres œuvres encore protégées par le droit d’auteur avec un simple avertissement sur les disparités juridiques.
En savoir plus
Gatier Félix, « Camus en ligne de mire », Libération, consulté le 24 mai 2022, URL : https://www.liberation.fr/culture/2011/02/02/camus-en-ligne-de-mire_711779/
Rioux Christian, « Une bibliothèque numérique québécoise est accusée de bafouer les droits d’auteur », Le Devoir, 3 février 2011, p. B10, URL : https://nouveau-europresse-com.bibelec.univ-lyon2.fr/Link/LYONT_3/news%c2%b720110203%c2%b7LE%c2%b720110203_b10_droits
Tremblay Jean-Marie, « Les Classiques des sciences sociales », texte, 2 février 2005, consulté le 24 mai 2022, URL : http://classiques.uqac.ca/inter/droits_auteur_info.php